La syphilis
Cours

IV-2. Diagnostic indirect ou sérologique

D'emblée, il faut dire que la sérologie ne permet pas de différencier entre elles les différentes tréponématoses.

Chez les sujets originaires des zones chaudes (désertiques ou humides) du globe, une sérologie syphilitique positive peut être liée à une tréponématose endémique non vénérienne (pian, bégel et pinta-caraté), autochtone, ancienne, due à des tréponèmes proches de T. pallidum subsp pallidum, qui provoquent la production d'anticorps détectés par les tests syphilitiques classiques. Or, ces tréponématoses ne présentent aucune menace de contamination ou de complication chez le foetus. Il faut donc tenir compte de l'interrogatoire, des signes cliniques et des caractéristiques épidémiologiques du patient pour établir formellement le diagnostic de syphilis.

Le diagnostic sérologique des tréponématoses fait appel à l'association de tests dits non spécifiques et d'autres dits spécifiques des tréponèmes. Ces tests sont standardisés, fiables, simples et bon marché. Selon la loi, une sérologie syphilitique doit comporter un test non tréponémique et un test tréponémique.

IV-2.1. Les tests non spécifiques ou non tréponémiques (VDRL latex, VDRL coloré, VDRL charbon)

Ces tests utilisent un antigène cardiolipidique (ou phosphatidylglycérol), haptène lipidique ubiquitaire, constituant des tréponèmes mais aussi des cellules bactériennes, végétales ou animales (foie et coeur). Le plus utilisé est le test de VDRL (Venereal Disease Research Laboratory). Il s'agit d'une réaction d'agglutination passive. Les résultats sont rendus en croix (1 à 4) en fonction de l'intensité de la réaction. En cas de positivité, un titrage est effectué par dilutions du sérum de raison 2. L'inverse de la dernière dilution donnant une agglutination est le titre de la réaction.

Le VDRL se positive après le FTA et le TPHA (environ 15 j après l'apparition du chancre, cf ci-dessous); il atteint un maximum en phase secondaire ou latente précoce, puis diminue très lentement avec les années. Comme c'est la 1ère technique à se négativer après traitement, c'est le seul test biologique utilisé pour la surveillance sérologique d'une syphilis traitée.

Ce test n'est pas spécifique des tréponématoses. Il peut être isolément positif (réaction faussement positive) au cours de certains états physiologiques (grossesse) ou pathologiques (viroses, collagénoses, parasitoses, dysprotéinémies, cirrhoses). En revanche, il peut être faussement négatif du fait d'un possible phénomène de prozone dans les sérums avec un titre élevé d'anticorps (femmes enceintes, sujets co-infectés par le VIH) ; le sérum doit alors être dilué pour voir apparaître la positivité.

Si le VDRL est positif isolément chez une femme enceinte, il faut alors consulter les éventuelles sérologies syphilitiques antérieures à la grossesse de la patiente pour conforter son analyse.

IV-2.2. Les tests spécifiques ou tréponémiques

La réponse anticorps du patient infecté est en effet aussi dirigée vers de nombreux antigènes de T. pallidum, incluant des lipides de la surface, des protéines flagellaires, des lipoprotéines et d'autres protéines variées incluant les "Treponema pallidum repeat proteins" ou Tprs. Certains de ces Ag sont spécifiques de Treponema pallidum mais d'autres sont partagés avec les tréponèmes non pathogènes.

Parmi les tests du groupe 2, figurent le TPHA (Treponema pallidum Haemagglutination Assay, réaction d'hémagglutination passive), le FTA-Abs (Fluorescent Treponemal Antibody-Absorption test, réaction d'immunofluorescence indirecte absorbée), l'EIA (méthode immuno-enzymatique). Le test de Nelson a été abandonné (obsolète) et peut être remplacé par un test d'immuno-empreinte ou Western blot.

Ces sérologies ne sont spécifiques que des tréponématoses en général (syphilis, pian et autres tréponématoses non vénériennes). Il n'y a aucun moyen en dehors de toute anamnèse, de différencier une syphilis sérologique d'une tréponématose endémique sérologique.

Le TPHA consiste à mettre en présence le sérum du patient (1ère dilution = 1/80) avec des hématies sensibilisées par un ultrasonat de T. pallidum. En cas de positivité, un titrage est effectué par dilutions du sérum de raison 2, au-delà du 1/80.

Le TPHA se positive entre la 3ème et la 4ème semaine après le contage (i.e. 7 à 10 jours après l'apparition du chancre) ; les anticorps détectés par ce test restent élevés, même chez un malade guéri (cicatrice sérologique).

Le FTA consiste à mettre en présence le sérum du patient dilué dans un absorbant (extrait de tréponème de Reiter pour éliminer les anticorps de groupe non spécifiques) avec des tréponèmes fixés sur une lame. La présence d'anticorps est révélée par l'addition d'une antiglobuline humaine marquée avec un fluorochrome et la réaction est lue en épifluorescence. En cas de positivité, un titrage est effectué par dilutions du sérum de raison 2. Ce test est actuellement utilisé comme technique de confirmation d'un dépistage positif par VDRL et/ou TPHA.

La cinétique de positivité de ce test est pratiquement superposable à celle du TPHA avant traitement ; il est positif, le 1er, environ 5 jours après l'apparition du chancre; ses titres peuvent diminuer après traitement chez les patients, allant même parfois jusqu'à la négativation mais dans des délais très variables.

Les TPHA et FTA-Abs sont très spécifiques des tréponématoses, les « fausses » positivités sont exceptionnelles.

Les tests immuno-enzymatiques de type EIA ou ELISA utilisent des antigènes d'origine variable (protéines recombinantes ou lysat de T. pallidum). Ils permettent de mettre en évidence des IgM, IgG ou anticorps totaux. Ils sont actuellement proposés pour dépister les sujets positifs, notamment dans les centres de transfusion du fait de leur grande simplicité de réalisation (automatisation possible) et d'une lecture spectrophotométrique objective. Ces tests étant actuellement qualitatifs, la découverte d'un ELISA positif ne dispense pas de confirmer l'infection par les tests classiques quantitatifs.

Le Western blot constitue un test facile, rapide, sensible, spécifique, permettant de détecter des IgM ou IgG mais coûteux et d'interprétation potentiellement complexe. En pratique, le sérum du patient est incubé avec des bandelettes de nitrocellulose sur lesquelles ont été transférés les antigènes d'un lysat de T. pallidum, préalablement séparés en fonction de leur poids moléculaire par électrophorèse en gel de polyacrylamide (SDS PAGE). Un sérum est considéré comme positif quand on identifie parmi les bandes existantes 3 bandes spécifiques localisées à 47, 17 et 15.5 kDa. Ce test peut être réalisé en laboratoire spécialisé pour confirmer une syphilis, en remplacement de l'ancien test de Nelson supprimé en 2001.

Chez la femme enceinte

Le dépistage sérologique est obligatoire en France lors de la déclaration de la grossesse. On doit répéter ce sérodépistage au 3ème trimestre et à l'accouchement dans les groupes à haut risque (immigrés récents d'un pays endémique, prostituées, toxicomanes, partenaires multiples, femmes séropositives pour le VIH), lorsqu'une IST est découverte en cours de grossesse, et devant une éruption cutanée ou une ulcération génitale mal étiquetée. La plupart des infections découvertes pendant la naissance sont des syphilis tardives asymptomatiques.

Chez le fœtus/l'enfant

Une sérologie est réalisée sur le sang fœtal ou le sang du cordon à la naissance à la recherche d'IgM. La présence d'IgM qui ne franchissent pas le placenta témoigne d'une syphilis congénitale. C'est un des signes d'évolutivité de la maladie ; les IgM permettent de situer l'ancienneté de l'infection, surtout en l'absence de signes cliniques. Les tests permettant de détecter ces IgM sont le FTA-Abs IgM (manquant de sensibilité et de spécificité), le SPHA (Solid Phase Haemagglutination Assay, test d'immunocapture), l'ELISA et le Western blot.

Les différentes sérologies réalisées chez un même patient doivent toujours être pratiquées dans le même laboratoire pour que leur interprétation soit fiable.

Interprétation simplifiée des sérologies de la syphilis
Interprétation simplifiée des sérologies de la syphilis[Zoom...]
Complément : A qui proposer systématiquement une sérologie syphilitique ?
  • en cas de suspicion clinique de syphilis :

    • devant toute ulcération génitale

    • devant une éruption cutanée, des polyadénopathies

    • devant des manifestations neurologiques ou psychiatriques compatibles avec une neurosyphilis

    • devant une insuffisance aortique, un anévrysme aortique ;

  • devant toute IST (y compris VIH)

  • en cas de contage récent ou ancien (partenaire infecté)

  • régulièrement en cas de sexualité à risque :

    • homosexualité masculine

    • hétérosexualité avec de multiples partenaires

    • rapports avec un sujet VIH

    • rapports avec des inconnus

  • Détenu ou personne venant de séjourner en prison

  • Toxicomane actif

  • Migrant provenant d'une zone d'endémie (Afrique sub-saharienne, Etats de l'ex URSS, Asie)

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