LA CONSOMMATION AIGUË D'ALCOOL CHEZ LES ÉTUDIANTS : TOXICOLOGIE ET PRISE EN CHARGE

MÉTABOLISME :

La principale voie de désimprégnation est la voie métabolique oxydative, qui concerne 90 à 95% de la quantité d'éthanol présente dans l'organisme. Ce métabolisme est majoritairement hépatique, cependant de 5 à 15% a lieu dans l'estomac, l'intestin ou les reins. Le métabolisme oxydatif stomacal de l'éthanol correspond à un « effet de premier passage ». Le métabolisme oxydatif comporte la transformation successive de l'éthanol en acétaldéhyde puis en acétate jusqu'au stade de dioxyde de carbone et d'eau.

Formation de l'acétaldéhyde

Alcool déshydrogénase

La voie principale de transformation de l'éthanol en acétaldéhyde implique l'alcool déshydrogénase (ADH) cytosolique.

L'ADH est une métalloenzyme dimérique à quatre atomes de Zn, NAD-dépendante. Cette voie fonctionne quel que soit le niveau d'alcoolémie. La vitesse d'oxydation de l'éthanol dépend de la biodisponibilité du NAD. Il existe différentes isoenzymes réparties en 6 classes codées par 8 gènes (de ADH1 à ADH8). La classe I (ADH1, ADH2, ADH3) est caractérisée par des enzymes à Km bas et Vmax élevée. L'ADH2 est la forme la plus active mais également la plus sensible à l'action inhibitrice du pyrazole par formation d'un complexe ADH-pyrazole-NAD. L'ADH est une enzyme non spécifique de l'éthanol qui métabolise d'autres alcools (méthanol, propanol, butanol, rétinol...). Elle participe à l'oxydation d'alcools secondaires en cétone, à l'oxydation des acides gras et à la déshydrogénation des stéroïdes.

La classe III (ADH5) est surtout impliquée dans l'oxydation des alcools à longue chaîne. Enfin la classe IV (ADH7) code pour l'enzyme à localisation gastrique. Cette dernière, moins active chez la femme, expliquerait en partie la plus grande sensibilité des femmes face à l'éthanol. L'ADH n'est pas inductible.

L'augmentation du rapport NADH/NAD est importante sur le plan biologique. Elle est responsable de l'augmentation de l'acide lactique (acidose et hyperuricémie), de l'alpha-glycérophosphate (augmentation de la synthèse des triglycérides) et des acides gras (par diminution de leur oxydation). Il entraîne une diminution de la néoglucogenèse ce qui est responsable d'une hypoglycémie présente lors de l'intoxication aïgue à l'alcool.

La voie du MEOS

Une seconde voie concerne l'oxydation microsomale de l'éthanol. Elle est inductible, non spécifique, et ne peut métaboliser qu'une fraction de l'éthanol. Elle n'intervient qu'en cas de concentration importante. Il s'agit de la voie du MEOS (Microsomal Ethanol Oxidizing System) découverte par Lieber et Decarli en 1968. Elle se situe au niveau du réticulum endoplasmique, principalement des hépatocytes de la région centrolobulaire. Son affinité pour l'éthanol est faible. La réaction fait intervenir, comme cofacteur du NADPH, de l'oxygène moléculaire et une NADPH cytochrome P450 oxydoréductase (CYP2E1). On obtient de l'acétaldéhyde, du NADP+, des formes réactives de l'oxygène (radical superoxyde O2-·, le peroxyde d'hydrogène H2O2, le radical hydroxyle ·OH) et un radical 1-hydroxyéthyle (CH3CHOH).

Cette transformation toxifiante, par la formation de radicaux libres, entraîne une lipoperoxydation, responsable d'une partie de la toxicité hépatique de l'éthanol. Les inhibiteurs du CYP2E1, tel l'isoniazide, diminuent l'hépatotoxicité de l'éthanol. Ce système de métabolisation est non spécifique car il métabolise d'autres substances (paracétamol, Vit A, corticoïdes...). Il est inductible par l'éthanol, le jeûne ou la consommation de repas hyperlipidiques. Ces particularités métaboliques expliquent les interférences complexes entre l'alcool, les médicaments ou les xénobiotiques industriels.

Catalase

La troisième voie oxydative implique la catalase, hémoprotéine localisée dans les peroxysomes. Cette voie, limitée par la vitesse de formation de l'un des substrats, le peroxyde d'hydrogène (H2O2), demeure accessoire, sauf chez les éthyliques chroniques.

Comme le précédent, ce système est inductible par l'éthanol, le jeûne et l'alimentation hyperlipidique. Il est non spécifique de l'éthanol. Les voies de biotransformation de l'éthanol sont saturables. La décroissance de l'alcoolémie varie linéairement avec le temps et est proche de 0,15g/L/h.

Oxydation de l'acétaldéhyde

L'acétaldéhyde peut être considéré comme le métabolite toxique de l'éthanol. Il est responsable des désagréments observés lors de la consommation importante d'alcool (nausées, vomissements, céphalées, asthénies). L'oxydation de plus de 90% d'acétaldéhyde en acétate correspond à une réaction de détoxification. Elle est réalisée par une aldéhyde-déshydrogénase (ALDH), non spécifique de l'acétaldéhyde, qui peut également cataboliser le formaldéhyde, le glycéraldéhyde, les amines biogènes ou les aldéhydes issus de la dégradation des membranes cellulaires par peroxydation. L'ALDH est une enzyme hépatique NAD-dépendante dont il existe au moins 4 isoenzymes ALDH1,3,4 à localisation cytosolique et ALDH2 mitochondriale. Cette dernière présente une Vmax élevée et est prépondérante chez les éthyliques. Chez le sujet normal, l'acétaldéhyde est rapidement oxydé en acétate. Cependant, l'ALDH1 peut être inhibée par le tétraéthylthiuram ou disulfirame utilisé dans le maintien de l'abstinence entraînant une accumulation d'acétaldéhyde. Le même effet peut être observé avec les dérivés nitrés, certains sulfamides hypoglycémiants...à l'origine d'effet Antabuse.

Oxydation de l'acétate

L'acétate est surtout véhiculé en dehors du foie (75%) où il subit un catabolisme oxydatif en acétyl CoA puis en dioxyde de carbone et en eau. La fraction qui reste dans le foie au niveau cytosolique va être oxydée par une thiokinase, en présence d'ATP et de CoA réduit, en acétyl CoA qui intégrera le cycle de Krebs avec dégradation en dioxyde de carbone et en eau.

Métabolisme non oxydatif

Bien que le métabolisme de l'éthanol soit majoritairement oxydatif, il existe également des transformations non oxydatives telles que la formation d'esters éthyliques d'acides gras (SNC et cœur) ou la synthèse de phosphatidyléthanol dans les membranes cellulaires (SNC).

Bilan et conséquences des transformations métaboliques

Bilan

Le catabolisme oxydatif de l'éthanol par l'alcool déshydrogénase puis par l'aldéhyde déshydrogénase conduit à l'acétate qui, secondairement par l'intermédiaire de l'acétyl CoA, donne du CO2 et de l'H2O.

Parallèlement à cette oxydation, on a réduction de NAD en NADH. La régénération du NAD peut s'effectuer dans le cytosol, sous l'action d'une lacticodéshydrogénase qui va transformer le pyruvate en lactate. Ce dernier, en passant dans le sang, entraine une hyperlactacidémie qui limite l'élimination d'acide urique et favorise la goutte, fréquente après consommation d'éthanol. Le NAD peut également être régénéré par la chaîne respiratoire ou la chaîne d'oxydoréduction phosphorylante mitochondriale. Comme la membrane mitochondriale est imperméable au cofacteur pyridinique (NAD et NADH), l'oxydation du NADH cytosolique implique l'intervention du système malate-oxaloacétate-aspartate avec réduction du NAD mitochondriale en NADH. Dans la mitochondrie, la formation excessive de NADH est associée à une carence en NAD mitochondrial. Ce dernier est indispensable à la β-oxydation des acides gras. Sa carence, fréquente en cas d'éthylisme explique la perturbation du catabolisme des acides gras et la stéatose hépatique associée.

Conséquences

L'éthanol, qui fournit 7,1 kcal/g, a un rendement énergétique qui se situe entre celui des glucides (4 kcal/g) et des lipides (9 kcal/g). Cependant, l'éthanol ne peut être assimilé à un nutriment. En effet, l'énergie fournie ne peut couvrir que 50% du métabolisme basal (700 à 800 kcal/j), ce qui correspond à l'utilisation d'environ 100 g d'éthanol par jour. De plus, l'énergie fournie n'est pas utilisable pour l'effort musculaire et/ou la lutte contre le froid. La sensation de réchauffement associée à la consommation d'éthanol résulte d'une vasodilatation cutanée. La sensation stimulante dépend d'un effet sur le SNC. Enfin, l'oxydation métabolique de l'éthanol permet d'éliminer de 0,1 à 0,2 g/kg/h d'éthanol.

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