Les souffrances psychiques de l'adolescent : la place du pharmacien d'officine auprès du jeune (prévention, détection, orientation, suivi)

Les conduites addictives

L'adolescence est la période propice à l'expérimentation de nouvelles pratiques : les jeunes recherchent de nouvelles sensations, qui s'expriment surtout au travers d'actions.

Les changements subis par l'adolescent sont d'ordre psychologique, affectif, et intellectuel. Pour éviter l'ennui ou la tristesse, certains se réfugient dans la consommation de produits, qui peut se transformer en véritable conduite addictive. Le recours à ces substances évite la mentalisation des conflits psychiques et ainsi tout effort de réflexion intérieure au profit de la production immédiate de sensations.

Lorsque l'on parle de conduites addictives, il peut s'agir d'un usage inadapté d'une substance, ou d'un comportement particulier, abusif (achats compulsifs, jeux d'argent, hyper activité sexuelle, surinvestissement dans le travail, troubles du comportement alimentaire, ou encore usage abusif de la télévision, des jeux vidéo, du téléphone portable ou d'Internet). L'addiction sans drogue progresse chaque année, mais la question de la consommation inappropriée de substances reste la plus présente et représente un véritable problème de santé publique.

Le tabac

La dépendance au tabac est liée à la présence de nicotine. C'est la substance la plus addictive, qui fait apparaître une dépendance très rapidement. On sait aussi que plus le début de consommation est précoce et plus la dépendance est forte.

  • Epidémiologie

    Le baromètre santé 2005 indique que le tabac est responsable de plus de 60 000 morts par an en France, et qu'il est mis en cause dans un cancer sur trois. Chez les jeunes de moins de 16 ans, ce sont les filles qui sont les plus consommatrices de tabac : 10,9% des jeunes filles fument, dont la moitié occasionnellement, tandis que 6,5% des garçons sont fumeurs avant 16 ans. En revanche, entre 16 et 25 ans, ce sont les garçons qui fument le plus, à hauteur de 43,4% des jeunes hommes, tandis que les jeunes femmes sont 38% à fumer dans cette tranche d'âge. Il faut noter que la diminution du tabagisme dans la population adolescente entre 2000 et 2005 a été la plus significative en France, par rapport aux autre tranches d'âge ( par exemple, les jeunes filles de 16-25 ans étaient 44,2% à fumer en 2000, et ne sont « plus » que 38% en 2005 !).

  • Signes cliniques de dépendance

    Le nombre de jeunes qui veulent arrêter de fumer en fin d'adolescence ne cesse d'augmenter. La difficulté réside dans l'apparition d'un syndrome de sevrage, environ 24h après l'arrêt brutal du tabac. Les signes caractéristiques sont souvent de la tension, irritabilité, anxiété, ainsi que des difficultés de concentration et une humeur dépressive. Des problèmes d'insomnie peuvent apparaître, ainsi qu'un sentiment de frustration lié à l'envie très présente de fumer.

L'alcool

C'est à l'adolescence que l'expérimentation de l'alcool a lieu très souvent. Il semble qu'il y ait un phénomène de mode qui consiste à rechercher l'ivresse et tester ses limites lors de rassemblements entre amis. La tolérance à l'alcool étant rapide, le problème peut prendre de l'ampleur très vite et compliquer d'avantage la prise en charge.

  • Epidémiologie

    La consommation occasionnelle d'alcool se définit par moins d'une prise d'alcool par mois. C'est le cas de la moitié des 12-25 ans. Une consommation mensuelle est représentée par la consommation d'alcool au moins une fois par mois, mais moins d'une fois par semaine.

    Cela représente l'autre moitié des jeunes de cette tranche d'âge. La consommation hebdomadaire (au moins une fois par semaine mais moins d'une fois par jour), et la consommation quotidienne (au moins une fois par jour), ne représentent donc qu'une minorité de jeunes. Mais le problème principal réside dans la prise d'alcool en excès, qui met en danger l'usager ainsi que les gens qui l'entourent.

  • Effets de l'alcool et conséquences

    En consommant de l'alcool en excès, les adolescents recherchent l'euphorie, l'effet stimulant, désinhibiteur, ou au contraire tranquillisant de la substance. les jeunes consomment énormément, et souvent des alcools forts, jusqu'à atteindre l'ivresse. On ne parle pas de quantités en « verres » mais plutôt en « bouteilles ».

    Depuis plusieurs années, le binge drinking (appelé encore biture express) est devenu à la mode; ce terme caractérise une consommation excessive d'alcool, en un temps limité : plus de 5 verres pour un homme, ou 4 pour une femme, en moins de 2 heures. La France est un des pays où le binge drinking est le moins pratiqué (6 à 9% des jeunes), mais cela semble en augmentation, d'après les quelques études qui ont porté sur le sujet. Pour la majorité des adolescents, cette conduite s'arrête lors du passage à l'âge adulte.

    Le problème est que cette consommation inappropriée d'alcool entraîne des troubles de l'attention, du jugement et des perceptions, responsables notamment d'accidents de la voie publique, très souvent mortels. On note aussi des troubles du comportement, de l'impulsivité voire agressivité de la part de ces personnes ivres. Des rapports sexuels non protégés sont évoqués, avec le risque de transmission de maladies sexuellement transmissibles, ou encore de grossesse non désirée.

    Il existe aussi le problème de la consommation chronique d'alcool. Après plusieurs années, elle révèle souvent des pathologies digestives (atteinte du foie et du pancréas), ou encore des cancers, problèmes cardio-vasculaires, hématologiques, infectieux... Mais ce qui est décelable plus précocement est l'atteinte neurologique du sujet alcoolique chronique : elle se traduit par des déficits neuropsychologiques observés chez le jeune adulte, ainsi que l'apparition d'un syndrome de sevrage voire de Delirium Tremens lors d'une tentative d'arrêt de consommation. Les symptômes apparaissent dans les 48 heures après l'arrêt brutal de consommation d'alcool. Hypotension, hypoglycémie, déshydratation, sont très souvent présents, associés à un état confusionnel avec agitation. Des tremblements généralisés voire une crise convulsive peuvent se présenter. C'est pourquoi la prise en charge du sevrage alcoolique a souvent lieu en milieu hospitalier, dans les premiers temps.

Le tabac et l'alcool sont deux substances responsables d'addiction chez un nombre important de jeunes, mais cependant, cela reste très facile de se les procurer, et de manière totalement légale !

Le cannabis

  • Epidémiologie

    Le cannabis est la substance illicite la plus consommée en France. Sa toxicité est supérieure à celle du tabac, puisque un joint correspondrait à environ sept cigarettes (l'inhalation est supérieure). Les expérimentateurs de cette substance sont en perpétuelle augmentation depuis 1992 : on en dénombre environ 12,4 millions à l'heure actuelle. Cela signifie qu'ils ont consommé au moins une fois dans leur vie du cannabis. 3,9 millions de ces consommateurs le font annuellement, et 1,2 millions sont des consommateurs réguliers (c'est-à-dire qu'ils consomment du cannabis au moins 10 fois dans le mois). Le cannabis est la première substance illicite consommée en France, et surtout dans la population jeune. 31% des jeunes de 16 ans l'ont expérimenté. Ce sont surtout les adolescents masculins qui la consomment.

  • Effets du cannabis et conséquences

    Les effets que procurent la plante diffèrent qu'il s'agisse d'une consommation aiguë ou chronique de la substance, et en fonction de la dose, du mode de consommation (la pipe à eau par exemple, appelée « bang », rend plus dépendant que le joint) et de la teneur en THC (Tétra Hydro Cannabinol). Lors d'une prise aiguë de cannabis, une euphorie légère, un sentiment plaisant de stimulation, de bien-être, de détente, et de sociabilité sont évoqués. Cependant, la tolérance à l'euphorie est rapide. C'est alors qu'apparaissent des signes moins agréables avec l'augmentation de la consommation, tels que de l'irritabilité, agressivité, anxiété, voire des attaques de panique. Certains parlent même de paranoïa, dépersonnalisation, ou déréalisation angoissante, ainsi que d'hallucinations.

    Lorsque la consommation de cannabis devient régulière, le risque est la perte d'intérêt pour des activités habituelles, et une désocialisation voire une déscolarisation. Des effets cognitifs ont aussi été montrés, indiquant la diminution des capacités de réflexion et d'attention. Cependant, la neurotoxicité de la plante n'a pas été démontrée à ce jour.

    Si l'usage de la plante est répété, le THC s'accumule dans le tissu adipeux et est libéré petit à petit, pendant plusieurs semaines, laissant ainsi une trace de son passage dans l'organisme.

    L'apparition d'un syndrome de sevrage à l'arrêt de consommation de la substance traduit la dépendance du sujet à celle-ci. Pour le cannabis, agitation, anxiété, insomnie, irritabilité, voire tremblements des mains, sueurs, diarrhées, traduisent les symptômes de l'état de manque. Le syndrome de sevrage est maximal entre le deuxième et le quatrième jour suivant l'arrêt, et peut durer entre dix et vingt jours.

    La prise en charge de la dépendance au cannabis est d'autant plus difficile qu'il s'agit d'une substance illicite, dont il n'est pas facile de parler avec son médecin.

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