Les souffrances psychiques de l'adolescent : la place du pharmacien d'officine auprès du jeune (prévention, détection, orientation, suivi)

La dépression

Epidémiologie

Les troubles dépressifs sont les plus fréquents de tous les troubles psychiatriques de l'adolescent. Les épisodes dépressifs majeurs touchent environ 7% des 15 – 24 ans, avec une prédominance féminine (9,9% des jeunes filles de cette tranche d'âge présente des troubles dépressifs, alors que 4,1% des garçons sont concernés). 30% des adolescents disent présenter des symptômes dépressifs ou une ambiance dépressive. Depuis 20 ans, la dépression chez les adolescents est en perpétuelle augmentation. Elle représente un véritable problème de santé publique à l'heure actuelle, notamment de par son lien non négligeable avec les tentatives de suicide, qui sont la deuxième cause de mortalité chez les jeunes (après les accidents de la voie publique). La définition de la dépression peut s'avérer très différente, en fonction de chaque auteur. Cela explique les variations parfois importantes concernant les données épidémiologiques relatives à ce sujet. La plupart du temps, la dépression est sous-estimée chez les adolescents : elle est trop souvent assimilée à la « crise d'adolescence », qui est un passage obligatoire pour chacun d'entre nous ; l'absence de crise serait pathologique ! Cependant, la dépression est réellement présente chez les adolescents, et on estime que deux tiers des jeunes ne seraient pas soignés à cause de l'amalgame qui est fait entre « crise d'adolescence » et « dépression ». Or, il est impératif qu'un patient dépressif soit soigné le plus rapidement possible, afin d'éviter que le trouble s'installe et se fixe, et qu'il soit par la suite trop difficile à prendre en charge.

Signes cliniques

Un jeune adolescent dépressif peut exprimer son mal être par un ensemble d'idées, de conduites, de comportements... On peut distinguer les états suivants :

  • La menace dépressive

    Elle précède en quelques sortes la dépression à proprement parler ; on remarque des symptômes chez le jeune qui suggèrent un mal-être intérieur (troubles du sommeil, irritabilité, crises de larmes...). Les adolescents expriment une certaine peur d'être envahis par la tristesse, le désespoir, les idées suicidaires, ce qui génère des crises d'angoisse. Ces sentiments sont intermittents et fluctuants, et ne s'accompagnent pas d'auto-accusation ni de culpabilité excessives. Cet état semble présent lors du passage d'enfant à adolescent, où le choix s'impose de prendre le « risque » de laisser les acquis de l'enfance, au profit de nouveautés de l'adolescence, qui sont sources d'inquiétudes et d'angoisse.

  • La dépression d'infériorité

    Cette forme de dépression est retrouvée chez des jeunes dont l'estime de soi est fragile. Souvent de caractère introverti, timide, ils pensent que personne ne les aime ni ne les apprécie. Ils expriment un sentiment d'infériorité par rapport à un domaine spécifique, ou à l'ensemble de leur personnalité. On appelle aussi cette forme de dépression la « maladie d'idéal », puisque ces jeunes s'imaginent un MOI idéal et inaccessible.

  • La dépression d'abandon

    Les jeunes souffrant de dépression d'abandon parlent d'un sentiment de vide, de souvenirs douloureux de séparation avec la crainte d'une catastrophe. Il y a une connotation narcissique dans cette forme de la maladie. Le jeune rapporte tout à lui. Il est le centre de la question.

    Les symptômes de cette forme de la maladie sont dominés par des passages à l'acte auto ou/et hétéro-agressifs pour externaliser cette souffrance.

  • La dépression majeure

    On l'appelle aussi « Episode Dépressif Majeur » ou EDM. Un ralentissement psychomoteur est présent, mais pas de manière permanente. Le jeune peut être hostile, renfrogné ou renfermé, inhibé, mais n'a généralement pas l' « air abattu » que l'on retrouve chez l'adulte par exemple. D'autres symptômes comme l'humeur dépressive, l'anxiété parfois, ainsi que le retrait social, affectif ou familial doivent faire songer à un EDM. A cela s'ajoutent des symptômes somatiques comme l'asthénie, la perte d'énergie, des troubles alimentaires et du sommeil. Le jeune peut aussi exprimer des idées de mort, et s'auto-dévaloriser.

    Un EDM dure sept à neuf mois en moyenne, avec 90% de rémission 18 à 24 mois après le début des troubles. Malheureusement, le taux de récidive est de 40% à 2 ans, et 70% à 5 ans...

  • Les troubles dépressifs symptomatiques d'une affection autre

    La dépression peut aussi survenir chez des adolescents touchés par une maladie organique, chronique, comme le diabète par exemple. D'autres atteints de dysfonctionnements cérébraux ou prenant des traitements modifiant le psychisme peuvent également exprimer une souffrance dépressive.

    La dépression peut aussi inaugurer une maladie mentale comme la schizophrénie ou la maladie maniaco-dépressive. Les troubles bipolaires apparaissent à l'adolescence dans un tiers des cas, à travers des manifestations dépressives tout d'abord.

La dépression de l'adolescent peut donc se traduire par un tableau clinique « classique » ou au contraire extrêmement « atypique ». Cela explique la difficulté rencontrée pour le dépistage et le diagnostic de cette pathologie, qui n'est pas « visible » forcément au premier coup d'œil.

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)