Les souffrances psychiques de l'adolescent : la place du pharmacien d'officine auprès du jeune (prévention, détection, orientation, suivi)

Les questions liées à la sexualité

L'adolescence est une période de changements importants. La puberté vient rythmer celle-ci, en imposant au jeune l'acquisition d'un corps sexué. L'apparition de pulsions sexuelles et de désirs, sont des éléments nouveaux qu'il subit et ne choisit absolument pas. Il en vient à se questionner sur son identité et sur les relations aux autres qu'il entretient, et qu'il entretiendra dans le futur. Tout ceci mène à la découverte de potentialités nouvelles, mais aussi à l'apparition de doutes et d'inquiétudes qui suscitent de nombreuses questions.

Les interrogations des jeunes

Les adolescents sont confrontés à l'inconnu, et sont amenés à se questionner sur le sujet de la sexualité. Ils évoquent de nombreux thèmes : leur corps ainsi que celui de l'autre sexe, à travers sa représentation et son fonctionnement. L'acte sexuel en lui-même, autour du premier rapport sexuel, d'un point de vue technique mais aussi psychologique et affectif, suscite des questionnements. Les thèmes de la contraception et des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) sont souvent abordés, ainsi que l'homosexualité.

  • Le corps

    Le corps suscite de nombreuses inquiétudes car il est peu ou mal connu. Les jeunes ne connaissent pas leur propre corps et ont une représentation erronée de son fonctionnement. L'adolescent présente souvent un complexe vis à vis de l'image que renvoie son corps aux autres, notamment à cause des normes sociales. Mais il faut savoir que chacun est différent, et les goûts de chacun aussi. Car le souci principal à cet âge de la vie est de plaire à l'autre, et de se définir surtout par rapport aux autres, afin d'être « comme tout le monde ».

    Filles et garçons s'interrogent donc sur le développement normal de leur corps et sur le pouvoir qu'il détient à transmettre la vie. C'est pourquoi une jeune fille de 15 ans qui n'est pas réglée se posera de nombreuses questions sur sa « normalité », tout comme le jeune garçon de 15 ans qui n'aurait pas encore vécu ses premières éjaculations.

  • L'acte sexuel

    • La première fois

      La première relation sexuelle est responsable de nombreux questionnements chez les jeunes. Cela concerne à la fois le « comment faire », et le « comment bien faire ». Elle n'est pas toujours bien vécue à cause de la pudeur, d'un manque de confiance en soi, ou encore d'un décalage pouvant exister entre les attentes des deux partenaires. Pour les deux, il s'agit d'une étape à franchir.

    • Et ensuite

      Après les premières relations sexuelles, les adolescentes font part de leurs interrogations concernant la prise de plaisir, ou plutôt la non prise de plaisir, avec l'absence d'orgasme. Beaucoup ont l'impression d'être « frigide ». Or, la frigidité reste très rare. Elles imaginent cela souvent suite à la vision de supports pornographiques dans lesquels tout est démesuré, et notamment l'atteinte de l'orgasme et son intensité. Il faut rassurer là encore l'adolescente en expliquant l'exagération de ces films pornographiques. Si les caresses portées sur son corps, par elle ou une autre personne, suscitent l'excitation, il n'y a pas lieu de craindre une frigidité chez elle. La masturbation initie généralement la sexualité et permet la découverte de son corps. Elle semble être d'avantage un tabou chez les jeunes filles que chez les garçons, d'où un refoulement de celle-ci dans la gente féminine (bien que les pensées évoluent à ce sujet à l'heure actuelle, suggérant l'existence de pulsions sexuelles chez la femme aussi !). Quoi qu'il en soit, elle permet la découverte des zones érogènes que cache son corps, et du plaisir génital que cela procure. La masturbation rassure l'adolescent sur son bon fonctionnement organique, et ainsi lui donne un peu plus confiance en lui. Mais parfois, celle-ci peut aussi générer de l'angoisse et de la culpabilité vis à vis d'un discours négatif qu'entretiendraient les parents et l'entourage de l'adolescent. Il convient de rassurer les jeunes en expliquant que la masturbation est une pratique très répandue de recherche du plaisir par soi-même, qui se vit en intimité, et qui ne revêt pas de caractère pervers ou anormal.

  • La contraception et les Infections Sexuellement Transmissibles (IST)

    Dans les années 1970, il se produit une généralisation de la contraception pour les adolescentes, grâce à la liberté sexuelle qui s'installe et la facilité de communication sur le sujet. C'est à cette période que des campagnes de prévention, notamment par des jeunes femmes représentantes de centres de planning familial, se développent et incitent à l'utilisation de la contraception. Dans les années 1990, avec l'apparition du SIDA, les campagnes de prévention se centrent sur la remise à la mode du préservatif, pour protéger de la transmission des IST.

    La communication sur la contraception est essentielle afin de prévenir tous risques de transmissions d'IST ou de grossesse non désirée. Mais ceci n'est pas chose facile : l'adolescence en soi est une période où le jeune a une impression de toute puissance, et que rien ne peut lui arriver. Il aime la prise de risque. L'idée aussi de relation de confiance, impliquant de ne pas mettre en doute la parole de son partenaire incite le jeune à ne pas se protéger. Or il n'est pas anormal d'avoir eu des relations sexuelles avant, mais il est important de se protéger pour éviter toute contamination par une IST ou une grossesse impromptue. Concernant les jeunes filles, la rareté ou l'irrégularité de leurs rapports sexuels implique souvent une prise inadaptée de la pilule, qui accentue les risques. L'utilisation du préservatif est à privilégier chez ces jeunes personnes, plutôt qu'une utilisation anarchique d'un contraceptif par voie orale. Le problème qui peut ensuite se poser est la difficulté pour le jeune d'entrer dans une pharmacie pour se procurer des préservatifs, ou pour la jeune fille de demander la contraception d'urgence en cas de nécessité. En effet, le regard des adultes sur eux les gêne, de par leur aspect moralisateur, et les fait souvent renoncer à se procurer une contraception. L'important est tout d'abord que le jeune prenne conscience de sa sexualité et qu'il accepte que sexualité rime avec responsabilité et donc qu'il faille se protéger. Plus que la communication, c'est la mise à disposition de la contraception qui est importante, et qui est souvent un frein à celle-ci.

  • Les droits et les devoirs en matière de sexualité

    Plusieurs questions reviennent souvent dans les débats : « Est-ce-que je dois faire ça ? Est-ce-que c'est normal de faire ça ? Sexuellement faut-il tout accepter ?». Ces trois questions renferment de multiples connotations. Cela peut se rapporter à une pratique sexuelle, à un sentiment d'engagement qui implique que l'individu n'a pas le choix de faire certaines choses parce qu'il décide d'avoir des relations sexuelles. Mais ces questions peuvent aussi suggérer l'existence d'un abus, par une personne plus âgée par exemple, ou de par son autorité.

    Il n'y a aucun devoir en matière de sexualité, si ce n'est celui de respecter l'autre. Chacun est libre de choisir la manière dont il vit sa sexualité. Certains choisiront d'attendre le mariage pour avoir des relations sexuelles, par conviction religieuse, d'autres n'attachent pas d'importance à cet aspect. Le monde renferme des individus différents, qui pensent et vivent différemment, et ces différences ne peuvent qu'enrichir celui qui s'y intéresse avant de les condamner. L'important est certainement de réussir à parler et échanger dans le couple, ce qui n'est pas chose facile. Il faut arrêter de se dire « Que va-t-il penser de moi si... », car l'important est le partage de la relation et non le besoin d'atteindre des performances sexuelles, en copiant des pratiques qui sont largement diffusées à travers les films pornographiques. Ils ne traduisent pas la réalité, mais beaucoup de jeunes s'y laissent piéger, ne possédant que peu d'autres moyens visuels de communications sur la sexualité.

    Un autre aspect que peut soulever ces trois questions importantes est l'abus de l'adolescent par une personne plus âgée. Des lois existent pour régir les relations sexuelles, en vue de protéger les plus jeunes notamment. L'âge légal pour avoir des relations sexuelles librement consenties est de 15 ans, d'après le Code Pénal. En revanche, la contraception est autorisée quel que soit l'âge de la personne mineure, d'après le Code de la Santé Publique. Pour les jeunes de 15 à 18 ans, les relations sexuelles avec tout ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou une personne ayant autorité sur le mineur, ou encore quelqu'un abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions sont punies par la loi.

    La tendance aujourd'hui est aux divorces, et donc aux situations conflictuelles entre adultes. Les adolescents sont victimes de ces violences familiales, qui peuvent être verbales et/ou physiques. Ils sont imprégnés de cette ambiance, et peuvent la considérer comme acceptable. La jalousie est souvent un moteur de violence dans un couple ; c'est ce que l'on pourrait appeler le combat de la passion contre la raison. Mais aucun acte de violence n'est légitime ! La personne qui en est l'instigatrice prétexte qu'il s'agit de pratiques normales et argumente les faits de manière à ce que la victime les accepte, et que cela lui semble normal. Mais il faut être vigilant. La frontière est étroite entre violence et viol, et nous savons que les adolescents sont les cibles privilégiées des agressions sexuelles et des situations incestueuses. Tout antécédent de violence sexuelle perturbera la sexualité future du jeune : cela se traduit par un blocage à établir des relations affectives, des difficultés à avoir des relations sexuelles, ou au contraire des relations sans engagement avec des partenaires multiples, ou encore des comportements violents à son tour. Une prise en charge psychologique de ces jeunes est indispensable, et c'est pourquoi il est important de les repérer au plus tôt.

  • L'homosexualité

    L'homosexualité est souvent découverte par le jeune au cours de son adolescence, qui correspond à une période d'ambivalence sur la sexualité. L'adolescent passe d'enfant à adulte. C'est le temps de l'orientation sexuelle. Bon nombre d'adolescents connaissent une période où l'attirance pour les deux sexes est possible. Ils se cherchent, et construisent leur personnalité. Ce n'est pas parce qu'un adolescent ressent une attirance pour une personne du même sexe que lui qu'il sera homosexuel. Il s'agit d'un temps d'indétermination des désirs sexuels, qui dure plus ou moins longtemps et qui génère des doutes. L'adolescent ne choisit pas son orientation sexuelle, elle se construit à son insu.

    Ce sont peut-être les adolescents qui sont les plus durs avec les autres individus de leur âge. L'homophobie transparaît à travers des discours puérils, qui sont liés à l'ambivalence sexuelle qu'ils ressentent à cet âge et la violence psychique qu'elle provoque chez eux. Reconnaître son homosexualité et l'accepter à l'adolescence n'est pas une chose facile. Les homosexuels parlent peu ouvertement de leur sexualité et de toutes les questions qu'ils se posent. Ils ont peur de la réaction de leur famille, ainsi que de l'entourage, mais aussi du risque de harcèlements et agressions dont les homosexuels sont souvent victimes. Il y a peu de modèles homosexuels publics, ce qui les conduit encore plus vers l'isolement. Cela aboutit le plus souvent au développement d'une mauvaise estime de soi, évidemment liée à l'image négative de l'homosexuel qui circule. Alors souvent leur choix est rapide : avouer leurs préférences et risquer d'être harcelés et discriminés, ou se taire et laisser croire qu'ils sont hétérosexuels, en refoulant leurs pulsions et attirances homosexuelles. Dans la population homosexuelle adolescente, on trouve beaucoup de tentatives de suicide, d'alcoolisation et toxicomanie, de démotivation scolaire, et d'activités sexuelles clandestines, qui augmentent le risque de transmission des IST.

    De nombreuses personnes croient encore que l'homosexualité est une maladie ! Mais l'homosexualité ne relève pas d'un diagnostic clinique ! Il est important d'expliquer qu'un homme gay n'est pas une femme, et qu'une femme lesbienne n'est pas un garçon manqué ! Les mentalités ont évolué depuis le SIDA et l'homosexualité aujourd'hui en France semble moins difficile à vivre qu'auparavant. Les associations autour de la maladie permettent peut être de faciliter leur reconnaissance sociale, mais il reste encore de nombreuses barrières à abaisser avant que l'homosexualité en France soit vue et vécue comme l'hétérosexualité.

    Il est important que le jeune procède par étapes. D'abord, il doit reconnaître son homosexualité et l'accepter. Ensuite, il doit établir des relations avec d'autres homosexuels, amicales et pourquoi pas amoureuses, afin de communiquer avec d'autres personnes qui rencontrent ou ont rencontré les mêmes problèmes que lui. Cela permet d'avoir une bonne estime de soi. Enfin, le jeune homosexuel doit apprendre à interagir avec son entourage et son milieu de vie en tant qu'homosexuel.

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