Propriétés antiseptiques
Les phénols
Thymol[1] et carvacrol[2] sont principalement rencontrés dans les huiles essentielles de thym (Thymus vulgaris L., Thymus zygis L., Lamiacées - feuilles et fleurs), de sarriette (Satureja montana L., Lamiacées - sommités fleuries) et d'origan (Origanum vulgare L., Lamiacées - parties aériennes fleuries).
Ils sont surtout considérés comme antibactériens, antifongiques et anthelminthiques. Bien que ces propriétés soient très largement reconnues, il ne faut pas oublier que plusieurs chimiotypes existent : dans un travail récent, une huile essentielle "de thym" (non définie chimiquement) s'est révélée inefficace contre 11 souches d'Escherichia coli sur 13 testées !
Ces composés sont très irritants. Les huiles essentielles qui en contiennent ne doivent pas représenter plus de 10% d'un mélange pour diffusion atmosphérique.
Ils sont également réputés hépatotoxiques. Ils seront donc réservés à des traitements courts (ou si prolongés, à des doses très faibles).
On les réservera donc de préférence à la voie orale, pour le traitement d'infections respiratoires.
L'eugénol[3] du giroflier est utilisé pour des propriétés antiseptiques et antalgiques.
En plus du risque d'hépatotoxicité, la possibilité d'un effet inhibiteur de l'agrégation plaquettaire doit conduire à la prudence chez des patients traités par salicylés ou anticoagulants.
Ne pas dépasser 10% du mélange en cas de diffusion.
L'huile essentielle de clou de girofle (Syzygium aromaticum (L.) Merr. et L.M. Perry, Myrtacées - bouton floral) peut être utilisée en dentisterie ou en traitement local bucco-dentaire.
Les aldéhydes
Le cinnamaldéhyde[4] est rencontré dans les huiles essentielles produites à partir des écorces de jeunes tiges de cannelle de Ceylan (Cinnamomum verum J. Presl., Lauracées) et des feuilles et jeunes rameaux de cannelle de Chine (appelée cannelier par la Pharmacopée Européenne, Cinnamomum aromaticum Nees).
Attention : exemple supplémentaire de l'importance d'un vocabulaire précis, l'huile essentielle dite "de cannelier de Ceylan", contrairement à celle "de cannelle de Ceylan", est produite, pour la Pharmacopée Européenne, à partir des feuilles de C. verum. Elle contient très peu de cinnamaldéhyde et 70 à 85% d'eugénol.
Il est considéré comme très antiseptique (y compris antiviral), ce qui est confirmé in vitro.
Le cinnamaldéhyde est irritant, allergisant (source d'allergies professionnelles, notamment) et assez peu volatile.
La voie orale est à privilégier, ne pas dépasser 10% du mélange en cas de diffusion.
Le citral[5] (mélange de 2 isomères cis/trans appelés néral et géranial) est classiquement accompagné des alcools apparentés nérol et géraniol[6]. Il est rencontré dans les huiles essentielles "citronnées" telles que le citron (Citrus limon (L.) Burm. f., Rutacées - péricarpe), la verveine (Aloysia triphylla (L'Hér.) Kuntze, Verbénacées - feuille) et les parties aériennes de plusieurs espèces de la famille des Poacées appartenant au genre Cymbopogon, les "citronnelles" : C. citratus (DC.) Stapf. (lemongrass), C. winterianus Jowitt (citronnelle de Java et "citronnelle" de la Pharmacopée Européenne), C. martinii (Roxb.) Wats. (palmarosa), C. nardus (L.) Rendl., C. flexuosus (Nees ex. Steud.) Stapf.
Il est antiseptique, antiviral et les huiles essentielles qui en contiennent sont souvent considérées comme insectifuges.
Le citral est assez facilement dégradé par la lumière en photocitrals[7], d'où des dates de péremption souvent courtes pour les huiles essentielles qui en contiennent.
Les oxydes (éthers)
L'eucalyptol (ou 1,8-cinéole)[8] est rencontré à des teneurs variées dans les huiles essentielles issues des feuilles de plusieurs Myrtacées :
eucalyptus (ou gommier bleu : Eucalyptus globulus Labill.),
tea tree ou arbre à thé (Melaleuca alternifolia (Maiden et Betch) Cheel), M. linariifolia Smith, M. dissitiflora F. Mueller)
niaouli (M. viridiflora Sol. ex. Gaertn., M. quinquenervia (Cav.) S.T. Blake),
cajeput (M. cajeputi Powell)
myrte (Myrtus communis L.) ;
mais aussi de ravintsara (Cinnamomum camphora (L.) J. Presl., Lauracées), de laurier (Laurus nobilis L.), et de romarin (Rosmarinus officinalis L.).
Ces huiles essentielles sont souvent réputées pour les infections hivernales des voies respiratoires supérieures. L'eucalyptol est peu antiseptique par lui-même et l'effet en ce sens de certaines huiles qui en contiennent est plutôt attribué à d'autres composés comme les terpènes et le terpinèn-4-ol[9] (arbre à thé). L'eucalyptol est décongestionnant et anti-inflammatoire.
D'autres composés, de nature chimique variée, sont également rencontrés dans des huiles essentielles fréquemment utilisées dans les infections hivernales, plutôt pour des activités décongestionnantes :
le (levo)menthol[10] de la menthe poivrée (Mentha x piperita L., Lamiacées, sommité fleurie)
le camphre, produit par synthèse
divers terpènes, notamment α-pinène[11] (antiviral) et acétate de bornyle[12], issus de gymnospermes : huiles essentielles de pins et sapins divers (feuilles et rameaux frais de Pinus sylvestris L., Pinus mugo Turra - Pinacées ; rameaux frais d'Abies sibirica Ledeb. - Abiétacées), de térébenthine (issue de l'oléorésine de Pinus pinaster Aiton - Pinacées), de genévrier (cônes mûrs de Juniperus communis L., Cupressacées ).
Fondamental : En pratique... infections
A l'officine, les huiles essentielles peuvent être conseillées pour la diffusion atmosphérique, qui ne doit pas être utilisée de manière continue. Certaines huiles essentielles antiseptiques (thym, cannelle, girofle) sont irritantes et sont à limiter (< 10% d'un mélange pour diffusion)
Le conseil doit être limité à des affections bénignes (rhume, rhinopharyngite). Le patient doit être amené à consulter en cas de fièvre élevée ou durant plus de 4 jours ou s'il présente des signes de gravité (otalgie...). Les voies à privilégier pour le conseil seront la voie orale, le massage pectoral, l'inhalation.
Pour des pathologies plus graves ou des usages particuliers, on conseillera le recours à un médecin spécialisé (homéopathe...) à même d'assurer une prise en charge globale et un suivi sérieux de l'évolution de la pathologie. Certaines indications sont scientifiquement crédibles (arbre à thé et acné), d'autres ne sont pas documentées et demandent l'implication d'un praticien sérieux.
La sphère bucco-dentaire représente un cas particulier, assez bien étayé. Des préparations diluées d'huiles essentielles peuvent être utilisées pour l'hygiène bucco-dentaire, des bains de bouche efficaces contre les gingivites, la plaque dentaire et les saignements gingivaux. Il est à noter que les préparations testées semblent moins efficaces que les solutions de chlorhexidine.