PLANTES DE PHYTOTHERAPIE

Le millepertuis - Hypericum perforatum L.

Botanique

Hypericum perforatum L. (Hypericaceae) est une herbe dressée, vivace, commune en Europe du Nord. Tiges et feuilles sont opposées et ces dernières sont sessiles. Ces feuilles[1] sont remarquables car criblées de ponctuations translucides (poches sécrétrices), ainsi que d'amas noirs de pigments en bordure qui lui valent le qualificatif de "perforé". Les fleurs[2] sont présentes en bout de tige sous forme de grappes corymbiformes[3]. Elles possèdent 5 pétales jaunes et 5 sépales verts, eux-aussi ponctués sur les bords. Les étamines sont très nombreuses et soudées en trois faisceaux et les trois carpelles sont surmontés de styles rouges. Le fruit[4] est une capsule ovoïde septicide à trois loges et porte encore les styles.

Hypericum perforatumInformationsInformations[5]

La partie utilisée est la "sommité fleurie séchée, entière ou fragmentée, récoltée pendant la floraison". La drogue coupée séchée a un aspect général brun-rougeâtre. On observe des fragments de tige[6] avec ramifications opposées par deux. Les feuilles[7] sont souvent fragmentées et difficiles à identifier, vert à vert-brun, finement ponctuées. Les fleurs[8] sont brun-rougeâtre après séchage, quelquefois encore jaunes. Assez fréquemment, on peut trouver des fruits[9] (capsules) ovoïdes coniques de petite taille, brun rouge (haut. 3-6 mm). Odeur faible plus ou moins balsamique.

Millepertuis sec - vue généraleInformationsInformations[10]

Au microscope, on pourra notamment observer :

  • des fragments de feuilles et de sépales à grandes poches sécrétrices et cellules pigmentées en rouge[11] (coloration plus facilement observable avant chauffage, dans la solution éclaircissante d'hydrate de chloral) ;

Composition chimique

Naphtodianthrones (0,1-0,3%) dont l'hypéricine et la pseudohypéricine, dérivées de l'émodoldianthrone[21] (donc biosynthétiquement apparentées aux dérivés anthracéniques laxatifs). La Pharmacopée Européenne prescrit le contrôle de la présence d'hypéricine et de pseudohypéricine par CCM, ainsi que la détermination de la teneur en hypéricines totales, exprimées en hypéricine[22], qui doit être supérieure à 0,08% dans la drogue sèche.

NaphtodianthronesInformationsInformations[23]

Phloroglucinols (0,2-5%) dont l'hyperforine, qui tend à être reconnue comme responsable de l'activité de la plante, mais dont la teneur n'est contrôlée que dans l'extrait sec quantifié de la Pharmacopée Européenne.

HyperforineInformationsInformations[24]

Flavonoïdes (2-4%) 3-O-hétérosides de quercétol[25] et biflavonoïdes (3,8-biapigénine[26], amentoflavone[27]). La Pharmacopée Européenne prescrit le contrôle de la présence de rutine et d'hypéroside par CCM.

Autres : oligomères de procyanidines (proanthocyanidine B2[28], oligomères de catéchine[29] et d'épicatéchine[30]), xanthones[31] et huile essentielle en faible quantité.

Pharmacologie et clinique

Action cicatrisante (usage externe)

Il s'agit de l'utilisation traditionnelle du millepertuis en Europe, probablement basée sur la théorie des signatures : les "mille trous" évoqueraient des blessures. Des activités anti-inflammatoires et cicatrisantes on été confirmées chez l'animal et attribuées aux flavonoïdes (au sens large) et aux naphtoquinones. Les activités antibactériennes d'extraits, de l'hypéricine et de l'hyperforine pourraient également contribuer à l'amélioration des blessures.

Activité antidépressive

  • L'hyperforine est souvent évoquée pour justifier l'activité antidépressive du millepertuis. C'est un inhibiteur du recaptage synaptique de la sérotonine à des concentrations compatibles avec celles observées dans le plasma in vivo et son passage de la barrière hématoméningée a été vérifié. L'activité antidépressive d'extraits de millepertuis constatée chez l'animal semble néanmoins liée à plusieurs classes de composés (flavonoïdes, hypéricine) pour une action synergique.

  • L'évaluation clinique du millepertuis permet, à l'heure actuelle, d'affirmer que le millepertuis a une efficacité supérieure au placebo dans les dépressions faibles à modérées. L'effet sur les dépressions majeures est également établi par une méta-analyse, bien que plus contesté en raison de problème d'homogénéité des essais. L'efficacité du millepertuis serait tout-à-fait comparable à celle d'antidépresseurs utilisés et les sorties d'essai pour cause d'effets indésirables gênants ont été moins nombreuses pour le millepertuis que pour les molécules de synthèse utilisées pour la comparaison.

  • Des essais ont été menés, notamment sur l'intérêt du millepertuis dans l'autisme, les troubles de l'attention et l'hyperactivité de l'enfant sans qu'un intérêt soit établi. Des intérêts dans le traitement de la schizophrénie ou de certaines dépendances ont été évoqués mais n'ont pas été confirmées à l'heure actuelle.

AttentionPrécautions à prendre pour le conseil officinal

La dépression n'est pas une maladie anodine. Si le millepertuis peut faire l'objet d'un conseil officinal, par exemple pour une déprime saisonnière (c'est-à-dire récurrente transitoire et assez bien connue du patient lui-même), il convient de garder à l'esprit qu'un accompagnement du patient est très important dans un tel cas. Il faudra donc avertir le patient que la persistance ou l'aggravation de son état doivent faire l'objet d'une consultation médicale. Le traitement ne doit pas excéder 15 jours sans avis médical.

Dans le cas du millepertuis (voir partie suivante), la possibilité d'effets indésirables et surtout d'interactions médicamenteuses doit conduire à se méfier particulièrement de l'automédication. En plus de la prise en compte des traitements actuels du patient, il est important d'insister sur le fait que le médecin doit être informé de la prise de médicaments de phytothérapie avant prescription de nouveaux médicaments.

Toxicologie - effets indésirables

Le profil de sécurité du millepertuis est globalement favorable. Son mode d'action reposant sur des cibles pharmacologiques classiques au niveau du système nerveux central, le même type d'effets indésirables est observable que pour des antidépresseurs de synthèse (syndrome sérotoninergique, délire, syndrome de sevrage), bien que moins fréquemment. Les mêmes règles que celles appliqués pour tous les dépresseurs du SNC sont appliquables, à commencer par la non-association de tels produits en dehors d'un contrôle srict.

Les naphtodianthrones (hypéricine) sont potentiellement photosensibilisantes. Des cas ont été observés mais sont exceptionnels (forte exposition, complexion très pâle). Une mise en garde peut être faite, notamment en cas d'exposition aux UV (PUVAthérapie, bronzage intensif en lumière naturelle ou artificielle).

L'OMS déconseille l'utilisation du millepertuis pendant la grossesse et la lactation en l'absence de supervision médicale.

AttentionInteractions médicamenteuses

Le millepertuis est un inducteur du cytochrome P450 de type 3A4, impliqué dans le métabolisme de phase I d'un grand nombre de médicaments. Il peut donc conduire à une baisse d'activité de certains traitements avec des conséquences dramatiques, comme :

  • certains immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus),

  • certains anticancéreux (étoposide, irinotécan, imatinib),

  • les antiépileptiques (carbamazépine, phénytoïne, phénobarbital),

  • les anesthésiques généraux,

  • des inhibiteurs des canaux calciques (vérapamil, nifédipine),

  • l'éplérénone (Inspra®),

  • certains antiviraux inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (névirapine, delavirdine, efavirenz) et les inhibiteurs de la protéase (indinavir, en particulier) du VIH,

  • les contraceptifs oraux,

  • certaines benzodiazépines (midazolam, alprazolam),

  • certains opioïdes (méthadone, buprénorphine, fentanyl, alfentanil), 

  • les anticoagulants oraux (warfarine).

Après l'arrêt du millepertuis, le niveau d'expression du cytochrome 3A4 revient à la normale en environ 1 semaine. Cette induction est apparemment liée à l'hyperforine.

D'autres isoenzymes du cytochrome P450 semblent inductibles par des constituants du millepertuis : 2C19 (phénytoïne), 1A2 (théophylline), 2C8 (rosiglitazone, pioglitazone, repaglinide ; implication du CYP3A4 également). Les conséquences cliniques de l'induction de ces cytochromes sont moins certaines mais exigent une attention particulière.

Le millepertuis est également un inducteur de la glycoprotéine P de transport, ce qui peut affecter l'activité de composés tels que la digoxine ou la féxofénadine (Telfast®, anti-histaminique H1) et intervient également en plus de l'inhibition d'un cytochrome pour certains composés vus plus haut. Le millepertuis diminuerait la concentration plasmatique de l'oxycodone (Oxycontin®) sans qu'un mécanisme ait été identifié avec certitude.

Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (fluoxétine), ayant le même mode d'action que le millepertuis, peuvent donner lieu à une interaction pharmacodynamique logique avec syndrome sérotoninergique. Il en est de même pour tout dépresseur du SNC, en particulier tout médicament à activité sérotoninergique potentielle : lithium, triptans, buspirone, venlafaxine, duloxétine, bupropion (Zyban®). Néanmoins ce dernier, subtrat du CYP2B6, pourrait également voir sa concentration plasmatique diminuée par le millepertuis.

Usages et recommandations

En France, les sommités fleuries de millepertuis sont utilisées dans les "manifestations dépressives légères et transitoires" par voie orale. En usage local, elles sont considérées comme adoucissantes, antiprurigineuses (traitement des crevasses, écorchures, gerçures, piqûres d'insectes, érythèmes, brûlures superficielles et peu étendues), antalgique dans les affections de la cavité buccale et/ou du pharynx.

D'après les monographies récemment publiées par le Committe on Herbal Medicinal Products (HMPC) de l'EMA, la posologie journalière comme antidépresseur serait située entre 0,5 et 1,8 g/jour d'extraits hydroéthanoliques (50 à 80%) ou hydrométhanolique (80%) et un effet serait à attendre en 4 semaines (si l'on se rappelle que les textes français conseillent de ne pas dépasser 15 jours de traitement sans avis médical, on peut conclure que le millepertuis est forcément utilisé sur prescription dans cette indication). Pour la forme tisane, on peut utiliser jusqu'à 6 g de drogue sèche par jour (2 g maximum par prise). L'usage n'est pas recommandé avant 18 ans, chez la femme enceinte ou allaitante.

Pour l'usage local, on peut utiliser une teinture hydroalcoolique à 50% au 1/5 ou au 1/10, un extrait par une huile végétale ou la drogue contusée, directement sur la zone lésée.

L'EMA reconnaît également une utilisation traditionnelle supplémentaire dans les troubles digestifs transitoires, auquel cas la forme tisane est utilisable (4 g/jour, en 2 prises, chez l'adulte).

La Pharmacopée Européenne contient les monographies de la drogue végétale, d'un extrait sec titré en hypéricines, hyperforine et flavonoïdes et de la plante fraîche pour préparations homéopathiques.

Spécialités et phytomédicaments

  • Arkogélules® millepertuis (extrait sec hydroalcoolique 185 mg/gélule), adulte 2-3 gélules/jour.

  • Élusanes® millepertuis (extrait sec hydroalcoolique : 300 mg/gélule), adulte 1 gélule 2 ou 3 fois par jour.

  • Mildac® (millepertuis extrait sec méthanolique : 300 mg/comprimé pelliculé ou 600 mg/comprimé enrobé) adulte 1 à 3 comprimé/jour (300 mg) ou 1/jour (600 mg), de préférence le matin.

  • Procalmil® (millepertuis extrait sec hydroalcoolique : 250 mg/comprimé), 1 comprimé matin et soir.

Le millepertuis entre dans la composition de l'alcoolat vulnéraire, présent en tant qu'excipient dans Arnican® crème (usage externe).

Sources : Thériaque, EurekaSanté (les posologies sont données à titre indicatif) - 31/08/2010.

Pour préparations magistrales : EPS millepertuis, préparation magistrale Phytoprévent® (extrait fluide Fl/500 ml ou 2 l)

ComplémentBibliographie

Ouvrages

  • Aronson J.K., Meyler's side effects of herbal medicines, 2009, Elsevier, Oxford.

  • Bruneton J., Pharmacognosie, phytochimie, plantes médicinales, 4e édition, 2009, Tec-Doc EMI Editeurs, Paris.

  • ESCOP monographs, 2e édition, 2003, St. John's wort - Hyperici herba, ESCOP/Thieme, Exeter/Stuttgart.

  • Wichtl M. et al., Plantes thérapeutiques, 2e édition, 2003, Tec-Doc EMI Editeurs, Paris.

  • Williamson E. et al., Stockley's herbal medicines interactions, 2009, Pharmaceutical Press, London.

Publications scientifiques

  1. feuilles
    Millepertuis - feuille fraîche

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  2. fleurs
    Millepertuis - fleur fraîche

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  3. corymbe

    (masculin) Inflorescence dont les fleurs sont portées approximativement au même niveau par des pédicelles inégaux insérés à des niveaux différents.

  4. fruit
    Millepertuis - fruit frais

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  5. Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  6. fragments de tige
    Millepertuis sec - tiges opposées

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  7. feuilles
    Millepertuis sec - feuille

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  8. fleurs
    Millepertuis sec - fleur

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  9. fruits
    Millepertuis sec - fruit

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  10. Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  11. pigmentées en rouge
    Millepertuis - cellules pigmentées en rouge

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  12. grains de pollen
    Millepertuis - grain de pollen

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  13. fragments d'épiderme
    Millepertuis - fragment d'épiderme (cellules polygonales à paroi irrégulière et stomates)

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  14. paroi épaissie en chapelet
    Millepertuis - cellules épidermiques à paroi épaissie en chapelet

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  15. paracytique

    type de stomates à cellules parallèles : les stomates possèdent de chaque côté une ou plusieurs cellules annexes parallèles à l'axe longitudinal de l'ostiole et des cellules de garde des stomates.

  16. anomocytique

    type de stomate à cellules irrégulières : les stomates se trouvent entourés d'un nombre variable de cellules qui ne diffèrent en aucune façon des cellules de l'épiderme en général.

  17. trachéides et des vaisseaux à paroi ponctuée
    Millepertuis - vaisseau et groupe de fibres

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  18. cellules rectangulaires
    Millepertuis - cellules rectangulaire de parenchyme

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  19. cellules allongées
    Millepertuis - cellules allongées du filet staminal

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  20. cuticule striée
    Millepertuis - cuticule striée des cellules du filet staminal

    Thierry HENNEBELLE Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification

  21. émodoldianthrone
    Emodoldianthrone

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  22. exprimé(e)s en...

    Les dosages réalisés dans les monographies concernant fréquemment un groupe de composés et non pas un seul, il est impossible de les doser précisément un par un. La valeur mesurée est donc comparée à celle d'une molécule de référence appartenant à ce groupe (qu'elle soit présente dans la plante ou non).

  23. Thierry HENNEBELLE Licence : Domaine Public

  24. Thierry HENNEBELLE Licence : Domaine Public

  25. 3-O-hétérosides de quercétol
    Hétérosides en 3 du quercétol majoritairement rencontrés dans le millepertuis

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  26. 3,8-biapigénine
    3,8-Biapigénine

    Thierry HENNEBELLE Licence : Domaine Public

  27. amentoflavone
    Amentoflavone (3',8-biapigénine)

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  28. proanthocyanidine B2
    Proanthocyanidine dimère B2 (épicatéchine(4beta-8)épicatéchine)

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  29. catéchine
    (+)-Catéchine

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  30. épicatéchine
    (-)-Epicatéchine

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  31. xanthones
    Xanthones - structure de base

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