La maladie de Chagas

Marseille, il est 11h du matin et vous toquez à la porte du responsable du service de la pharmacie hospitalière de l'hôpital d'instruction des armées Laveran. La maladie de Chagas est une préoccupation importante pour les militaires, et ce pharmacien suit attentivement toutes les évolutions sur les traitements et met à jour ses recherches fréquemment.

Déjà vous apprenez qu'il n'y a aucun vaccin disponible sur le marché. Vous demandez alors quelle est l'alternative pour guérir les patients et c'est là que vous découvrez que le nifurtimox^[1] est l'un des deux médicaments utilisés dans le traitement de la maladie de Chagas (l'autre étant le benznidazole^[2]). Et actuellement le protocole NECT (Nifurtimox Eflornithin Combination Therapy) révolutionne la prise en charge thérapeutique en associant nifurtimox avec l'éflornithine^[3].

Vous vous demandez comment ces molécules peuvent fonctionner. D'après ce pharmacien c'est très simple : le nifurtimox (mis sur le marché depuis 1967 au passage) possède un métabolisme qui conduit à la formation d'un métabolite radical nitro-anion réagissant avec les acides nucléiques du parasite. De plus la production d'anions superoxydes et de peroxyde d'hydrogène suite à son absorption est toxique pour le parasite. Mais le plus important c'est que le nifurtimox inhibe spécifiquement la trypanothione réductase, une enzyme anti-oxydante de défense du parasite.

Au niveau des posologies, celles-ci sont variables en fonction de l'âge, du poids, du stade de la maladie. Elles sont recommandées par l'OMS. Le pharmacien tient à vous souligner que l'efficacité du traitement dépend de sa précocité : 2/3 des patients en phase aiguë voient disparaître les manifestations cliniques et deviennent séronégatif (vis-à-vis de la maladie de Chagas) grâce au traitement. Tandis qu'en phase chronique les résultats sont très variables et bien moins bons.

Seul problème, le nombre de cas de résistance au nifurtimox est en augmentation. D'où la création du protocole NECT avec la combinaison nifurtimox par voie orale et eflornithine par injection qui simplifie le traitement, le tout pour la même efficacité que l'eflornithine en monothérapie. Cette combinaison possède surtout l'avantage de limiter les cas de résistance du nifurtimox. Toutefois si tel était le cas chez un patient, celui-ci pourrait être traité via le benznidazole. L'observance n'est pas bien respectée car les traitements durent de 1 à 4 mois selon les cas et provoquent des effets secondaires gastro-intestinaux (nausées, vomissements) et neuromusculaire (excitabilité, hallucinations). C'est une des batailles qu'il mène en parlant autour de lui pour que les traitements soient correctement pris. [1]^[7]

Vous demandez au pharmacien s'il est au courant de nouvelles perspectives plus pointues pour le traitement. Il vous dit que des molécules sont en cours de développement et agissent sur diverses cibles du parasite : la biosynthèse des stérols, la voie de la cystéine protéase, le métabolisme des pyrophosphates et la voie de récupération des purines. Il vous avoue ne pas être un spécialiste en la matière et vous invite à regarder les différents essais cliniques mis en place actuellement.